Depardieu chanteur
Son personnage existe vraiment !
FILM. Dans cette comédie dramatique, il joue un crooner de bal populaire. Un rôle mélancolique et tendre, inspiré par l’artiste auvergnat Alain Chanone. Un sacré bonhomme !
Il trimballe sa trogne sympathique de roi de la roucoule et son accent bougnat de pape de la baluche depuis quarante ans. Quand j’étais chanteur, sorti en septembre 2006, a pourtant mis Alain Chanone, artiste de bal populaire, sur le podium, lui donnant même accès aux marches du Festival de Cannes, en 2007. Et s’il dédicace la biographie qui lui est consacrée – préfacée par Gérard Depardieu – Alain Chanone toujours chanteur (*), c’est au supermarché Cora de Clermont-Ferrand. D’autres auraient pris la grosse tête, pas lui Quand le réalisateur Xavier Giannoli cherche une personne susceptible de l’inspirer pour son film, il tombe sur le site internet d’Alain. La mention « Chanteur mondialement connu à Clermont » signe l’humour et la modestie de celui qui confie « Je ne suis pas ambitieux et ne l’ai jamais été. »
Son avenir semblait d’ailleurs tracé d’avance : ouvrier chez Michelin. Comme papa. Né dans la préfecture du Puy-de-Dôme (63), en 1951, dans une famille de cinq enfants, il ne fait pas de musique avant ses 18 ans mais prépare un C.A.P. de menuisier, puis intègre, sans enthousiasme, les ateliers de la marque au Bibendum. L’avantage : un salaire régulier. « Mais les chantiers ça ne ma plaisait pas bien. » Le voilà parti sur les routes de France, comme batteur et chanteur. Il tourne beaucoup, en strass et en habits de scène à l’ancienne, achetés au Carreau du Temple, à Paris : « Les groupies nous repéraient de loin ! » Au moins trois concerts par semaine, des excès et le corps qui dit pouce en 1986. « J’étais jeune, je me croyais indestructible. » Il prend trois ans pour se refaire une santé… en tenant un bar, fréquenté par les artistes, place des Bughes, à Clermont.
Une trajectoire parfois chaotique qu’on retrouve dans le film de Xavier Giannoli. Alain Chanone y fait d’ailleurs une apparition touchante, sous le nom de Philippe Mariani. Son personnage vient remplacer Alain (Gérard Depardieu), atteint de dysphonie vocale : « Soigne-toi, ça peut durer longtemps ! », lance le remplaçant. Du vécu. Dans cette scène, Alain Chanone doit interpréter Cendrillon de Téléphone. Contre son gré : « Ce n’est pas le répertoire qui me va le mieux, mais je l’ai fait, en direct et en une seule prise. »
Aujourd’hui, il vit à Maringues avec sa femme, Danielle, et sa chèvre, Sucette, dans une ferme qui ressemble furieusement à celle de son double dans le film. Le 13 mai, il se produira au Gala des trèfles et aiguillettes de l’Association de la réserve de la gendarmerie d’Auvergne, à Ceyrat. Toujours pro, toujours au top, et pour longtemps. Parce que, selon sa formule, reprise dans le film, « un ringard, c’est quelqu’un qui dure ».
Stéphane Méjanès
(*) de Laurent Boucry, livre + 1 CD, 2008, Éditions de la Courrière, 20 €.
Pas de play-back pour Depardieu
Une voix de stentor. Une voix tout court. On l’oublie mais, en 1980, l’interprète des Valseuses a sorti un 33 tours : Ils ont dit moteur.
Alors, dans la peau d’Alain le crooner, pas besoin de doublage, d’autant que, comme le précise le réalisateur Xavier Giannoli, Gérard Depardieu « ne devait pas chanter comme Sinatra mais comme un chanteur de bal ». L’acteur a travaillé sa tessiture en studio : « Extraordinaire ce que la musique peut apporter comme humilité, expliquait-il à l’époque. Le chant est un art difficile et délicat. »